mardi 1 mai 2012

Pandora's Tower




Pandora's Tower, sorti en début d'année 2012 en Europe, assure à la Wii une belle fin de carrière sur le vieux continent.


 Xenoblade Chronicles, The Last Story, Pandora’s Tower, de ces trois fameux RPG produits par Nintendo pour sa Wii, le dernier fut le plus discret, le moins attendu à l’échelle mondiale et celui dont le développeur était sans doute le moins connu et le moins reconnu. 

Avant de se lancer dans ce projet, les petits gars de chez Ganbarion n’ont en effet à leur actif que des adaptations de la série animée One Piece ainsi que la réalisation des deux Jump Super/Ultimate Stars sur Nintendo DS. Un passif de qualité mais bien moins ronflant que des Xenogears, Baten Kaitos ou autres Final Fantasy sur lesquels les deux autres jeux pouvaient se reposer pour leur promotion et leur image de marque. Une discrétion qui se révèle être un avantage dans le cas présent car Pandora’s Tower, sorti de nulle part,  étonne et éblouit là où d’autres ont pu décevoir au vu de leur staff.

Dans sa construction, le jeu se veut pourtant minimaliste, simple, presque sobre pourrait on dire. Le joueur y incarne Aeron, un chevalier de l’empire d’Athos venu incognito assister à une cérémonie festive dans la capitale de l’empire ennemi, au court de laquelle sa bien aimée Elena tient un rôle centrale. Le monde est à la fête lorsqu’une ombre surgit et crée le chaos dans la cité, frappant Elena de « sa marque ». D’après les dires de Mavda, une vielle vendeuse itinérante, la jeune fille est désormais un être maudit dont le destin est de se changer inexorablement en monstre.



Traquer par l’armée pour être entrer en contact avec l’entité mystérieuse, les deux amoureux se voient obliger de fuir sous les conseils de Mavda jusque dans les terres reculées et interdites d'Okanos. Ils y trouveront refuge dans un observatoire abandonné, à quelques mètres de la Brèche, un trou béant déchirant la terre, surplombé d'inquiétantes tours maintenues dans les  aires par d’immenses chaînes semblant empêcher le cratère de s’agrandir d’avantage.

Le décor est planté, observatoire et tours, voilà les seuls choses que nous verrons durant l’aventure. Pas de voyage initiatique à travers le globe, pas de quête pour sauver le monde, rien de tout ceci. Loin de toute civilisation, nos trois personnages sont désormais seuls, pressés par la malédiction qui gagne du terrain et qui a commencé son œuvre. Elena, défigurée, revêt déjà une apparence ignoble et monstrueuse. La vielle Mavda, descendante du peuple Vestras, nous apprend que seul la chair de bêtes présente dans les treize tours est à même de contenir et de stopper le processus. Elle confie alors à Aeron la chaîne d’Oraclos, vestige passé de la puissance de ses ancêtres et ce dernier part en hâte en direction de la première tour.  Le temps est compté…

Ce synopsis a déjà de quoi déstabilisé plus d’un joueur et instaure même un certain malaise, non loin de ce que l’on peut éprouver en jouant à la saga Silent Hill. Donné de la chair de monstres crue et répugnante à la femme que l’on aime, sachant en plus que les préceptes de sa religion lui interdisent de manger de la viande … il fallait tout de même oser.


Le jeu s'articule donc entre nos voyages dans les différentes tours et nos retours réguliers à l’observatoire pour nourrir et passer du temps avec Elena. Il faut bien avoir en tête que ces deux parties représentent le concept du jeu, il n'y en a pas une plus importante que l'autre en théorie. 

Une fois à l'intérieur des donjons, le but et de ramener la chair du maitre des lieux. Bien entendu, ce dernier sommeille à la pointe de l'édifice et reste cloitré derrière de lourdes portes scellées par des chaînes. Il faut pour l'affronter, les détruire à leur source et c'est là qu'entre en scène LA force du jeu, son level design, misant énormément sur la verticalité. Chaque tour est parfaitement étudiée, tel un casse tête gigantesque où l'on se retrouve à traverser une multitude de pièces et à actionner des mécanismes pour espérer trouver les points d'ancrage des fameuses chaînes. On retrouve également une petite notion de jeu de piste car nous les voyons traverser la tour de part en part de l'intérieur, il suffit alors de les suivre pour tenter d'en trouver la provenance. La progression se fait intelligente et demande à Aeron d'utiliser pleinement la chaîne d'Oraclos laissée par Mavda, et donc par extension pour le joueur, sa wiimote. Celle-ci est utilisée intensivement et à la perfection par le biais de son pointeur qui nous permet de viser avec précision et rapidité un élément sur lequel  lancé la chaîne. Les interactions sont multiples et viennent toutes exploitées le level design pur, il n'y a pas d'énigme à proprement parler durant l'aventure.

Toute la mécanique de jeu repose sur son utilisation, un peu comme si nous devions utiliser le seul grappin dans les meilleurs donjons 3D d'un The Legend of Zelda, dont le jeu de Ganbarion se rapproche beaucoup en termes de conception d'ailleurs. 



Il se rapproche plus particulièrement de l'épisode Majora's Mask pour le stress qu'il génère car le temps nous presse et il nous faut au plus vite ramener de la chair de bêtes à Elena. L'avancée de la malédiction est symbolisée à l'écran par une jauge circulaire située en bas à gauche et c'est l'inévitable game over qui nous guette si cette dernière se vide. 

Il ne faut pas prendre peur cela dit, certains joueurs restant bloqué à l'idée même d'un timer. Comme je le disais plus haut, si le jeu intègre une partie donjon, il intègre également tout une partie sociale et nous devons donc rentrer régulièrement voir Elena afin de repousser l'échéance de sa transformation. Avec un minimum d'organisation, on ne ressent pas de coupure brutale lors de notre exploration car encore une fois les donjons sont si bien étudiés qu'ils ont été conçu pour être traverser rapidement une fois les bons mécanismes activés. Par exemple lorsque nous sommes parvenus en haut d'une tour, après de longues minutes et que la jauge de malédiction est bien entamée, il est possible de dérouler une échelle nous ramenant proche de l'entrée. L'aller et retour à l’observatoire ne prendra alors plus que quelques secondes. 

Il faut donc agir vite certes mais si on le fait par étape (mécanisme de retour activé, chaîne détruite), la progression reste très fluide et la notion de malédiction procure sa dose d'adrénaline sans être une contrainte handicapante.


Puisque nous n'avons pas accès directement à la chair du maître et qu'il nous faut tout de même repousser régulièrement la malédiction, comment faire ? 

Tout simplement combattre les nombreuses bêtes qui rôdent et occupent les lieux. Les combats, dynamiques, se font au corps à corps à l'aide de notre épée (nous récoltons deux autres armes au fil du jeu) mais là aussi la chaîne d'Oraclos aura un grand rôle à jouer. Il est par exemple possible de saisir une partie du corps d'un monstre pour la lui broyer mais aussi de le ligoter ou encore de le projeter à travers la pièce sur ses congénères. Une fois gisant au sol, il suffit de l'agripper et de tirer avec la wiimote pour extraire un morceau de sa chair. Il en existe de différentes qualités qui repousseront plus ou moins efficacement la malédiction. Étant donné que le temps à court, ils pourront même se détériorés, les rendant moins efficaces. Chaque combat rapporte de l'expérience à Aeron et nos statistiques générales augmentent quand nous montons un niveau.

Point culminant des joutes, Pandora’s Tower réserve des affrontements absolument épiques contre les maîtres des tours. Non seulement leur design est très réussie mais l’affrontement en lui-même est  incroyablement prenant. J’ai eu l’impression de retrouver le sentiment de stress intense et de panique comme lorsque j’étais enfant et que je combattais pour la première fois les boss de The Legend of Zelda Ocarina of Time. La musique est absolument dantesque, parcourue de chœurs qui vous feront trembler, le combat est long et rude et lorsqu'on en vient à bout, la satisfaction d'arracher le cœur du monstre est inimaginable. On en ressort souvent épuisé, parfois un peu mal à l'aise d'avoir abattu un tel colosse si cruellement, parfois encore rageur, à l'image de ce que l'on a pu ressentir avec le jeu Shadow of the Colossus. Puissant !



Mais venons en à la fameuse partie sociale et les interactions réalisables lors de nos retours à l'observatoire. 

Des retours obligatoires je le rappelle encore une fois et l'on s'en rend très vite compte  puisqu'il est impensable de faire un donjon d'une traite étant donné que notre inventaire est limité  et que l'on y stock énormément de ressources.  Que cela soit de la chair, des objets de soin ou des matériaux dont certains n'apparaitront que selon le moment de la journée (le temps est une notion importante du jeu comme vous pouvez le voir).  Premièrement notre passage à l'observatoire permet de gérer cet inventaire en transférant son contenu dans un coffre mais l'on peut également le vendre à Mavda. La vendeuse Vestras achète, vend, crée, répare les objets et peut même renforcer la puissance de nos armes à l'aide de matériaux spécifiques.

Quand à Elena, il est possible de lui offrir des cadeaux comme des bijoux ou des robes mais aussi tout ce que nous avons récolté dans les donjons. Elle utilisera certains éléments pour décorer l'observatoire et améliorer l'équipement d'Aeron. Il faut également lui parler à différentes heures (il est possible de passer le temps en dormant) de la journée pour suivre ses activités quotidiennes, partager ses angoisses, ses joies. Si l'on décide de faire l'impasse sur tout ceci, nous créerons très peu de lien affectif avec elle et il faudra en payer les conséquences lors de la fin. Selon les relations que nous avons tissées avec elle au court du jeu, une fin sur cinq sera déterminée et elles ne sont évidemment pas toutes des plus heureuses. Au fil du jeu nous prenons vraiment goût  à ces petites attentions, ces petites discussions inutiles faites d'un rien car Elena est vraiment un personnage attachant. Il est même important pour le joueur  de s'attacher à elle car Pandora's Tower est une histoire d'amour avant tout, passé à côté de cela signifie quelque part passé à côté du titre.



Le lien affectif qui nous unit à notre bien aimée est représenté par une jauge longeant la gauche de l'écran. Elle augmente à chaque fois que nous  lui offrons un cadeau qu'elle apprécie et décroit lorsque elle ne l'apprécie pas ou qu'elle a amorcé sa transformation en monstre alors que nous étions dans une tour. Cet état peut même briser des cadeaux que nous lui avions fait précédemment.

Il est à noter que l'observatoire représente vraiment un lieu de calme pour le joueur puisqu'en plus de baigner dans une atmosphère un peu plus chaleureuse et reposante que celle des tours, le temps est ici figé  et la malédiction n'a donc plus court.  C'est également le lieu principale où l'histoire se développe via des flashbacks après chaque chair de maître ingérée par Elena. Le background général lui se dévoile surtout dans les donjons par la présence de nombreux rapports écris par des scientifiques, anciens occupant des lieux, nous renvoyant directement à la saga Resident Evil.

Tout en étant des plus sobre, Pandora's Tower mélange habilement deux aspects de gameplay et se révèle d'une très grande richesse. Sa durée de vie se situe entre 20 et 25 heures de jeu mais la présence d'un new game plus peut volontiers nous y faire revenir, ne serait-ce que pour voir les différentes fins. Et puisqu'il est plus que temps d'en finir avec cet article sur ce jeu qui m'a hypnotisé, je dirais que j’ai toujours été admiratif devant la conception des jeux japonais 2D comme Megaman, où chaque pixel compte et est mis là dans un but précis, ou dans ces jeux  3D comme The Legend of Zelda Ocarina of Time où chaque élément parait être à sa place, au polygone prêt. Pandora’s Tower rappelle si besoin était que ce savoir faire ne s’est pas perdu au fil des années et qu’il s’est encore surprendre.
Avec sa direction artistique de toute beauté, ses musiques sublimes puisant dans le répertoire classique, son level design incroyable et son intensité, il s’agit d’un véritable joyau, témoignage et héritier de toutes ces années de maitrise vidéo-ludique nippone.


 

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